Chaque année, la Fondation Canadienne d’Orthopédie remet le Prix J.-Édouard-Samson à un chercheur en orthopédie pour récompenser ses travaux des cinq années précédentes. Elle souhaite ainsi promouvoir la recherche. Et, comme le prouvent les rapports de recherche finaux déposés récemment par deux lauréats, elle y parvient avec brio.
Le Dr Nadr Jomha, de l’Université de l’Alberta, a reçu le Prix J.-Édouard-Samson en 2012 pour son projet de recherche intitulé Vitrification of intact human articular cartilage, axé sur la restauration biologique de la surface articulaire afin de prévenir l’arthrose.
« Nos articulations sont couvertes de cartilage qui élimine presque entièrement la friction provoquée par le mouvement et en assure le bon fonctionnement pendant des dizaines d’années. Quand une partie de sa surface est endommagée, l’articulation est plus susceptible de se dégrader et de montrer des signes d’arthrose, explique le Dr Jomha. Malheureusement, quand l’arthrose s’attaque à une articulation, aucun traitement ne permet d’en venir à bout. Certaines méthodes permettent de régénérer un certain type de cartilage, et donc de remédier en partie au problème, sans pour autant restaurer les propriétés complexes du cartilage articulaire. L’utilisation de cartilage d’une autre articulation est possible, mais comme nous n’avons pas suffisamment de cartilage pour en prélever une grande quantité, il faut recourir à des donneurs décédés. Cette méthode a toutefois ses limites, le cartilage ne pouvant être conservé que 28 jours après son prélèvement. Vu ce court délai, il est difficile de réunir l’équipe chirurgicale, d’utiliser la greffe sur une articulation compatible de même taille et de vérifier la présence de maladies infectieuses, ce qui entraîne des conditions de transplantation non optimales et la perte de tout tissu prélevé qui n’est pas utilisé dans les 28 jours. Mes recherches portent sur les façons d’entreposer du cartilage pendant de longues périodes sans qu’il y ait détérioration tissulaire. Pour ce faire, nous nous sommes concentrés sur la vitrification, une méthode de conservation par le froid; on crée ainsi un solide exempt de cristaux de glace à partir d’une solution aqueuse. »
Le Dr Jomha et son équipe ont réussi à cryoconserver du cartilage articulaire, et collaborent avec le Comprehensive Tissue Centre d’Edmonton pour optimiser le protocole et rendre ce processus viable en clinique. Leurs travaux progressent; ils visent à créer une banque de cartilage articulaire humain permettant sa conservation pendant de longues périodes à des fins de transplantation chez des patients atteints de troubles articulaires.
Le Prix J.-Édouard-Samson a eu une incidence positive sur ces travaux. Le Dr Jomha souligne que la morosité économique a réduit les fonds consentis aux chercheurs. En outre, ses travaux ne correspondent à aucune des catégories de financement courantes, axées sur le développement du savoir, puisqu’ils portent sur l’optimisation des connaissances actuelles. Le financement offert par la Fondation est venu combler ce manque.
Le Dr Brian Kwon, professeur au département d’orthopédie de l’Université de la Colombie-Britannique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les lésions médullaires, a reçu le Prix J.-Édouard-Samson en 2013. Le printemps dernier, il a déposé son rapport final sur ses recherches, intitulées Bench to Bedside and Back: Translational Research in Acute Spinal Cord Injury.
« La recherche translationnelle fait référence à la boucle de rétroaction itérative entre la recherche fondamentale et la recherche clinique, c’est-à-dire des laboratoires aux patients et inversement, explique-t-il. Nous avons commencé par un essai clinique auprès de patients atteints d’une lésion médullaire traumatique en analysant des échantillons de liquide céphalorachidien (LCR) pour en établir les biomarqueurs. Les travaux en cours ont permis d’étendre notre essai clinique de suivi de la pression et d’échantillonnage à d’autres sites au pays. Nous avons ensuite appliqué le principe « du patient au laboratoire » à nos résultats : nous avons conçu un grand modèle animal pour évaluer les variations de la pression du LCR dans la moelle épinière endommagée. Le modèle animal a permis d’étudier en parallèle des échantillons de LCR pour en établir les biomarqueurs. De tels modèles ont servi à l’évaluation de traitements novateurs; nous avons aussi chapeauté l’élaboration d’un agent neuroprotecteur utilisé lors d’essais cliniques auprès de patients atteints d’une lésion médullaire traumatique, ce qui est venu, en quelque sorte, boucler la boucle. »
Les fonds associés au Prix J.-Édouard-Samson ont servi au financement de deux initiatives, soit l’établissement des biomarqueurs des lésions médullaires dans des échantillons de LCR humain et la comparaison de la norépinéphrine et de la phényléphrine dans le traitement de lésions médullaires traumatiques. Dans la première initiative, les chercheurs ont analysé 50 patients à l’aide de protéines du LCR pour prévoir les résultats après une lésion médullaire. L’équipe a constaté que l’analyse du LCR peut fournir des renseignements biologiques utiles sur la gravité de la lésion et le rétablissement potentiel après une lésion médullaire traumatique, et que de tels biomarqueurs peuvent servir à la stratification des cas dans les essais cliniques auprès de blessés médullaires traumatiques. Dans la deuxième initiative, l’équipe de recherche a utilisé un modèle porcin de lésion médullaire pour évaluer la façon dont ces vasopresseurs d’usage courant influent sur la physiologie intraparenchymateuse. Les résultats indiquent que la norépinéphrine serait le vasopresseur à privilégier pour le traitement précoce d’une lésion médullaire.
Selon le Dr Kwon, les travaux effectués grâce au Prix J.-Édouard-Samson l’ont aidé à obtenir les données nécessaires à la présentation de sa demande au concours Initiative de recherche regroupant plusieurs chercheurs (MIRI) de la Fondation Brain Canada et, ainsi, à l’obtention d’une subvention de 3 millions de dollars pour ses travaux intitulés Biomarkers for crossing the translational divide in acute spinal cord injury. « L’investissement dans l’avenir que représente le Prix J.-Édouard-Samson nous permet aujourd’hui d’étudier la protéomique, la génomique et la métabolique chez des personnes ayant subi une lésion médullaire traumatique. »
Le Dr Marvin Tile, champion de la Fondation, souligne l’importance du financement qu’elle a accordé à ces deux projets : « Le financement offert par la Fondation comble un besoin bien précis en recherche, car il contribue à financer des travaux que d’autres organismes n’appuient tout simplement pas; et les recherches financées servent ensuite de tremplin à des projets novateurs de plus grande envergure. La Fondation joue un rôle important dans la concrétisation de ces projets. »
À titre d’organisme de bienfaisance, la Fondation dépend de la générosité de ses donateurs, dont la majeure partie sont des orthopédistes, pour doter ses programmes de financement de la recherche.
Le Dr Tile estime que, comme en témoignent les travaux des Drs Jomha et Kwon, on trouve au Canada certains des chercheurs les plus brillants et accomplis dans le monde, des chercheurs dont les idées peuvent permettre de grandes innovations en chirurgie de même que dans les soins en orthopédie. « En tant qu’orthopédistes, nous avons le devoir d’investir dans la recherche », affirme-t-il.
La Fondation remercie les particuliers et les entreprises qui soutiennent ses programmes.